13.3.15

Dernière partie du récit d'Armando


La guerre 1939-1945

En Septembre, il y eut les vendanges. On est parti à ce moment-là à la Magdeleine sur Tarn. Il y avait un ancien professeur de français à Barcelone, M. Jubé ? , qui parlait espagnol. On est resté un an, ma mère faisait la cuisine. Le début de la guerre a renforcé l’antipathie à notre égard. Les Français partaient nous on restait. On disait que nous étions des bandits.
Mon beau-frère –le mari de Cista- était métayer à Roqueserières pour un notaire de Villemur.
En 1940, on est parti à Roqueserière pour la ferme de M.Roques. Le patron nous a fait l’avance en tout (lit, couverture, vaisselle et même un cochon). L’hiver 1940 il faisait très froid. Le boulanger de Roqueserière nous donnait le pain –immangeable- on lui donnait le bois. 
A Saint-Sulpice-La-Pointe, il y avait un camp de concentration avec des militaires français, russes…certains se sont évadés, on en a ramassé 5 ou 6 mobilisés par les Allemands. Les réfugiés politiques comme nous ne pouvions pas être exportés vers l’Allemagne. Par contre, il y avait un droit de réquisition pour travailler en France. Un jour à Roquesérières, un colonel nous a réuni. On nous a convoqué à Muret pour nous expédier. Moi, je devais aller à Dunkerque. Je suis parvenu à m’échapper du train.
A la Libération,  le dernier jour, les Allemands ont pris dans un camion des prisonniers de la Prison St Michel et les ont amené en forêt de Buzet et les ont brûlé vif. Ils avaient pris aussi le Maire de Buzet et son fils et les ont fusillé. Nous, on a pu se sauver de justesse, tout le monde est parti. Ils n’ont pas bien fouillé puisqu’ils n’ont pas trouvé les aviateurs anglais.
J’ai rencontré ma femme car suite aux bombardements de Toulouse elle était réfugiée à Roqueserières. Mais elle avait un mari qui était prisonnier.
Lorsque les prisonniers sont rentrés, on nous a foutu dehors.

En images : une photo d'une exposition en juillet 2011 à Toulouse 
Armando dans son potager en août 2013 au bord de la forêt de Buzet/Tarn (31)

6.3.15

3ème partie du récit


L’arrivée en France

A Saint Laurent de Cerda des Sénégalais nous ont expédié dans des camps. 
Nous avons passé un mois à attendre dans les montagnes pas loin du Canigou. Mon père, ma mère, ma sœur et ma nièce née en 1936. L’armée française venait avec des camions récupérer du bétail. On s’était fait avec des branches un cabanon. Dans une nuit, la neige est tombée entre 2 heures et 7 heures, il y en avait peut être 1 mètre 50, le bétail était étouffé. On nous descend au patelin. Un camion nous amène à une gare française vers Perpignan.
On monte dans des wagons à bestiaux. On s’est réveillé à Montauban et de là on va à Septfonds.
Il y avait  5 ou 6 hectares de terrain barbelés, avec des Sénégalais autour. Les baraquements étaient plus loin. Tous les matins on ramassait des morts. On nous envoyait par groupe. On nous donnait à manger : un grand pain faisait 6 parts. Quelle faim ! Aucune hygiène : on est resté trois ou quatre mois sans se déshabiller. Il y eut des morts en pagaille, ils sont au cimetière de Septfonds. Un être humain pour autant est très résistant. Tu ne peux pas t’imaginer la résistance qu’on peut avoir. J’ai connu un garçon de mon âge. Il connaissait le français. Un jour, ils annoncent par micro la venue du préfet de Montauban. Je dis à mon copain : c’est pas possible, il faut aller rencontrer le Préfet. Il nous a reçu dans son bureau. Il nous a écouté. Il a dit je vais voir ce que je peux faire.  On est sorti deux ou trois jours plus tard :le haut-parleur a appelé tous les enfants de tel à tel âge ainsi que les vieux. On nous a fait une désinfection à la vapeur et mis la tête à zéro.
On s’est retrouvé à Caussade vers avril ou mai. Il y avait une usine désaffectée où ont été regroupés les enfants, les femmes et les vieillards. On nous donnait deux ou trois francs par jour et nous faisions du feu.
On regardait les annonces chaque matin et c’est ainsi qu’on a retrouvé ma mère avec mon frère (Mariano) : on les a fait venir.

En photos : le cimetière des espagnols à Septfonds (82), photos prises lors de l'automne 2012.