6.3.15

3ème partie du récit


L’arrivée en France

A Saint Laurent de Cerda des Sénégalais nous ont expédié dans des camps. 
Nous avons passé un mois à attendre dans les montagnes pas loin du Canigou. Mon père, ma mère, ma sœur et ma nièce née en 1936. L’armée française venait avec des camions récupérer du bétail. On s’était fait avec des branches un cabanon. Dans une nuit, la neige est tombée entre 2 heures et 7 heures, il y en avait peut être 1 mètre 50, le bétail était étouffé. On nous descend au patelin. Un camion nous amène à une gare française vers Perpignan.
On monte dans des wagons à bestiaux. On s’est réveillé à Montauban et de là on va à Septfonds.
Il y avait  5 ou 6 hectares de terrain barbelés, avec des Sénégalais autour. Les baraquements étaient plus loin. Tous les matins on ramassait des morts. On nous envoyait par groupe. On nous donnait à manger : un grand pain faisait 6 parts. Quelle faim ! Aucune hygiène : on est resté trois ou quatre mois sans se déshabiller. Il y eut des morts en pagaille, ils sont au cimetière de Septfonds. Un être humain pour autant est très résistant. Tu ne peux pas t’imaginer la résistance qu’on peut avoir. J’ai connu un garçon de mon âge. Il connaissait le français. Un jour, ils annoncent par micro la venue du préfet de Montauban. Je dis à mon copain : c’est pas possible, il faut aller rencontrer le Préfet. Il nous a reçu dans son bureau. Il nous a écouté. Il a dit je vais voir ce que je peux faire.  On est sorti deux ou trois jours plus tard :le haut-parleur a appelé tous les enfants de tel à tel âge ainsi que les vieux. On nous a fait une désinfection à la vapeur et mis la tête à zéro.
On s’est retrouvé à Caussade vers avril ou mai. Il y avait une usine désaffectée où ont été regroupés les enfants, les femmes et les vieillards. On nous donnait deux ou trois francs par jour et nous faisions du feu.
On regardait les annonces chaque matin et c’est ainsi qu’on a retrouvé ma mère avec mon frère (Mariano) : on les a fait venir.

En photos : le cimetière des espagnols à Septfonds (82), photos prises lors de l'automne 2012.